lundi 27 mai 2013

PSYCHOLOGIE DES FOULES

Psychologie des foules (Gustave Le Bon)
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Grand classique de la réflexion politique : « Psychologie des foules », de Gustave Le Bon, écrit en 1895. C’est un de ces livres maudits, qui contenaient, à l’époque de leur rédaction, l’avenir en eux, hélas pour le pire.
Petite note de lecture, donc, puisque c’est un classique incontournable...
Pour Le Bon, le moteur de l’Histoire, c’est principalement les idées des peuples. Les seuls changements importants dans l’Histoire prennent leur source dans le mental des populations.
Nous sommes, écrit Le Bon en 1895, arrivés à un de ces moments-clefs. La destruction des croyances religieuses, combinée avec l’émergence de nouvelles technologies, va entraîner une mutation dans le mental collectif. Nous entrons dans une période de transition, qui verra coexister de manière chaotique d’anciennes idées sur le déclin et de nouvelles conceptions encore en gestation.
Les sociétés qui émergeront du chaos, écrit Le Bon, devront compter avec une puissance à son époque nouvelle : les foules. Jusqu’au XVIII° siècle, l’opinion des foules ne comptait pas, ou peu. Désormais, leur voix est devenue prépondérante, parce que les conditions technologiques ont amené les classes populaires au niveau requis pour revendiquer un poids politique. Or, l’opinion de ces classes exige le retour à un communisme primitif qui menace les classes supérieures : voilà la dynamique du XX° siècle, résumée en quelques phrases dès 1895.

Peu aptes au raisonnement, les foules sont en revanche très capables d’action. Leur pensée simple adhère à des dogmes idéologiques qui prendront très vite le même caractère contraignant que les anciennes croyances religieuses. D’où, d’ailleurs, la réaction catholique qui émerge à la fin du XIX° siècle, réaction venue en grande partie de la bourgeoisie, pourtant longtemps une classe opposée au pouvoir de l’Eglise. Une réaction que Le Bon juge sans prise sur le réel. « Les fleuves, » écrit-il dans une très belle formule, « ne remontent pas à leur source. »
Le Bon se méfie de ce nouveau pouvoir des foules. Historiquement, dit-il, le rôle des foules a le plus souvent consisté à détruire les vieilles civilisations proches de leur chute. La civilisation est créée par une petite aristocratie intellectuelle ; les foules n’ont de pouvoir que pour détruire. Et il est à craindre qu’elles détruisent la civilisation européenne, comme elles en ont détruit d’autres auparavant.
Il existe cependant une mesure de prévention possible : que le pouvoir connaisse la psychologie des foules, afin de pouvoir les manipuler au lieu de se laisser mener par elles. C’est que les foules sont incapables d’avoir des opinions quelconques, en dehors de celles qui leur sont suggérées. Les foules, nous dit Le Bon en substance, sont bien incapables de comprendre Aristote ou Spinoza. Elles n’ont pas de système de pensée, pas de cohérence philosophique, et donc pas de colonne vertébrale qui puisse structurer une capacité créatrice. Elles ne fonctionnent qu’à l’instinct, en fonction de l’émotion. C’est à leur cœur et à leurs tripes qu’il faut parler : alors, si leurs instincts ont été correctement manipulés, elles iront spontanément dans le sens voulu par le système de pensée du Prince. D’où l’intérêt d’une psychologie des foules.

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