dimanche 7 avril 2013


Une illustration d'André Masson qui accompagnait les oeuvres de Bataille.
Une illustration d'André Masson qui accompagnait les oeuvres de Bataille. | LIBRAIRIE BLAIZOT, COLLECTION YVES DE FONTBRUNE

 
Pourquoi, cinquante ans après sa mort, Georges Bataille - chartiste, pornographe, conservateur à la Nationale, penseur de la dépense, historien de l'art, auteur de L'Expérience intérieure, athée indifférent au désespoir - n'apparaît-il toujours pas au même rang que Nietzsche ou Proust, dont il se recommande ? Ou même que Foucault et Derrida, qui se recommandent de lui ? Parce que cela n'a pas lieu d'être : "On me tient pour l'ennemi du bonheur. C'est juste, si par 'bonheur' on entend le contraire de la passion. Mais si le bonheur est une réponse à l'appel du désir et si le désir est le caprice même, alors le bonheur seul est la valeur morale."
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Pourquoi Bataille disparaît derrière les figures de ses compagnons de route - d'André Masson à Maurice Blanchot, en passant par Prévert ? Parce qu'il n'aura ménagé ni son soin à disparaître, ni la perfection de son absence. Encore moins le mépris que lui inspire l'idée d'édifier une oeuvre comme on fait un pâté de sable.

Pourquoi en désire-t-on à ce point l'image noire d'écrivain maudit, alors qu'il ne cessa jamais - pourrait-on dire aussi bien - d'être un fonctionnaire scrupuleux, un encyclopédiste de l'esprit moderne, un amant des livres ? Parce que sa fréquentation compromet. Pourquoi lui colle-t-on toujours une image apeurée d'érotique fourbu, et jamais celle de fondateur, animateur, de la revue Critique, encyclopédie de l'esprit moderne, de 1946 à nos jours ?
Le Bleu du ciel (1957) est le récit le plus déchirant du XXe siècle. L'Erotisme (1957), un des traités les plus radicaux. La Littérature et le mal (1957), une hypothèse sans dogme des théories à venir. Jardin secret : Madame Edwarda, la préface au Procès de Gilles de Rais et, événement bouleversant dans la vie d'un lecteur, Histoire de l'oeil...
Transgression, rire, poésie, sacré
L'oubli de Bataille est fondé sur une idée qui arrange : on aurait fait le tour de la question. Rangé son érotisme (sale) à la galerie farfouille dont parle Léo Ferré. Mis sous vitrine ses motifs - transgression, rire, poésie, sacré - comme des coquillages vides ; liquidée sa pensée complexe que l'on prend pour ambiguë. Or, toute agitation de l'esprit et des corps répond autant à une bataille politique qu'elle en désigne les enjeux contemporains. La littérature ? "Ne devons-nous pas, afin d'être clairs, marquer en contrepartie que la littérature, comme le rêve, est l'expression du désir - de l'objet du désir -, et par là de l'absence de contrainte, de l'insubordination légère ?

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