lundi 10 juin 2013

L'HUMANISME

l'humanisme ?

Pierre-Henri TAVOILLOT - 18 novembre 2000

Commençons par quelques remarques de terminologie. On peut repérer trois sens principaux du terme humanisme.
  • Premier sens, historique : le plus ancien, qui date sans doute des 15ème ou 16ème siècles. L'humaniste désigne celui qui s'est spécialisé dans les studia humanitatis, les humanités, les études littéraires ou encore, selon l'heureuse expression de Cicéron, les études dignes de l'homme, les études qui rendent l'homme meilleur et davantage humain. Donc un sens purement scolaire, en l'occurrence une spécialisation universitaire.
  • Le deuxième sens est un sens moral, contemporain, le plus courant, qui identifie dans l'Humanisme une attitude respectueuse à l'égard des autres hommes, une certaine bienveillance à l'égard d'autrui. Humanisme est alors synonyme de philanthropie; il s'agit de se conduire avec "humanité" à l'égard d'autrui.
  • Enfin, troisième sens qui, lui, est philosophique. Il apparaît au 18ème siècle et se développe au 20ème siècle. Il est donc plus tardif. Ce sens désigne l'Humanisme comme un mouvement intellectuel et philosophique cohérent. C'est dans ce cadre-là qu'au 20ème siècle, vont se déployer les grandes querelles de l'Humanisme. C'est évidemment ce troisième sens, philosophique que nous voudrions ce matin explorer et développer. Se demander "qu'est-ce que l'Humanisme ?", ce sera donc pour nous poser plus précisément la question "qu'est-ce qu'une philosophie humaniste ?".
Pour résumer la réponse à cette question dans une formule simple, on pourrait dire qu'une philosophie humaniste, ce serait, tout simplement, une philosophie qui place l'homme au dessus de tout ; à l'origine de tout et au commencement de toutes les interrogations philosophiques. Kant, dans un passage célèbre de la Critique de la raison pure, voulant définir les grandes tâches de la philosophie, écrivait :
Le champ de la philosophie peut se ramener aux quatre questions suivantes:
  • que puis-je savoir ?
  • que dois-je faire ?
  • que m'est-il permis d'espérer ?
  • qu'est-ce que l'homme ?
Et Kant poursuivait : la première question correspond à la métaphysique ; la deuxième à la morale ; la troisième à la religion et la quatrième à l'anthropologie. Mais, concluait-il, on pourrait toutes les ramener à l'anthropologie, car les trois premières se rapportent et se ramènent à la dernière.
"Qu'est-ce que l'homme ?" serait donc la question fondamentale de la philosophie, dépassant tout à la fois la philosophie théorique, la philosophie pratique et la philosophie sapientiale ou religieuse. Voilà le programme que se donne Kant ; c'est le programme d'une véritable philosophie humaniste qui met la question de l'homme au cœur de ses préoccupations et au principe de son unité.
Or cette affirmation est très lourde de conséquences. Jusqu'à Kant, avant lui, on considérait que la question directrice de la philosophie était la question ontologique : qu'est-ce que l'Etre ? ou encore qu'est-ce que Dieu ? Kant bouleverse cette perspective. C'est ce bouleversement, cette transformation, que nous voudrions décrire.
  • Dans une première partie, qui sera historique, nous montrerons comment on en est arrivé à mettre au centre de la philosophie la question "qu'est-ce que l'homme ?". Nous verrons comment l'humanisme s'est constitué par trois vagues philosophiques successives
  • La deuxième partie sera consacrée à une sorte de construction intellectuelle du modèle de la philosophie humaniste. Nous essaierons de repérer les idées maîtresses d'une philosophie humaniste digne de ce nom pour voir si le pari de Kant peut être réalisé et si on peut aboutir à un discours complet de philosophie humaniste qui soit cohérent et qui réponde aux critiques qui lui ont été faites.

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